Maîtres-verriers valentinois
En 2002, la quatrième génération a pris les rênes de l’atelier Thomas, perpétuant un savoir-faire qui allie tradition et modernité
L’histoire commence avec Jean-Pierre Thomas, né en 1843, originaire de Haute-Loire, qui choisit d’exercer le métier de peintre verrier et réalise son apprentissage dans l’atelier de la famille Thevenot, à Clermont-Ferrand, avant de travailler pour l’atelier Lavergne, à Paris. En 1875, il s’installe à Valence, faubourg Saint-Jacques : l’absence d’atelier de verrier ainsi que la qualité du travail réalisé assurent un rapide développement à l’entreprise qui s’installe avenue de Chabeuil en 1878. Les chantiers s’étendent dans tout Rhône-Alpes. À l’Exposition universelle de Paris en 1900, Jean-Pierre Thomas et l’artiste valentinois Paul Audra exposent un vitrail représentant les figures bibliques d’Adam et Ève, pour lequel ils obtiennent une médaille de bronze. À Valence, ses œuvres ornent l’Hôtel de Ville, les bains publics, l’école Récamier ainsi que des édifices commerciaux comme les Dames de France ou l’hôtel de la Croix d’or.
Un atelier ouvert aux mouvements artistiques
Georges n’a que 14 ans lorsque son père meurt en 1915, tout comme ses frères aînés, victimes de la Première guerre mondiale. Il apprend le métier de verrier auprès de l’atelier Gaudin à Paris. La transition est assurée par sa mère, Marie-Louise Eydaleine-Thomas, et par Emile Armand, ouvrier-verrier dont le nom figure sur certains vitraux. Georges Thomas est l’auteur des vitraux du Palais consulaire, place Simone-Veil et aussi, à Valence, des vitraux de l’église Notre-Dame, de la chapelle Notre-Dame du Charran et l’ancien Grand séminaire. Ouvert et sensible aux différents mouvements artistiques, il a rapidement pressenti que l’art du vitrail devait évoluer pour s’affranchir des images d’Épinal ou du néo-classicisme prédominant au 19e siècle.
Jean et Michel Thomas, nés en 1935 et 1938, intègrent l’atelier aux côtés de leur père. Ils poursuivent expérimentations et innovations techniques et artistiques. Aidés par trois compagnons, ils étendent leur production à 38 départements. Ils signent notamment à Valence la dalle de verre de l’usine Reynolds.
Michel forme ses trois fils, Jean-Bernard, Laurent et Emmanuel, à qui il passe officiellement le relais en 2002. Constituant la quatrième génération de maîtres-verriers valentinois, ils perpétuent l’œuvre de création, rue Chabrier : les vitraux de l’église de l’Estaque, à Marseille, en collaboration avec l’artiste Clotilde Devillers, ceux de l’abbaye royale du Val-de-Grâce à Paris, ou de la cathédrale Saint-Sauveur à Aix-en-Provence. Cependant, l’atelier consacre aujourd’hui 80% de son travail à la restauration, notamment d’édifices protégés au titre des Monuments historiques : cathédrale Notre-Dame de Paris, église de l’Hôtel des Invalides, tour Saint-Jacques (Paris), ainsi que la plupart des cathédrales de Rhône-Alpes.
Anecdote
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Vitraux provenant de l’atelier valentinois Thomas, toutes générations confondues : c’est le résultat d’un pré-inventaire effectué en 2015 dans les communes de Valence-Romans Agglo par Myriam Retail, dans le cadre d’un travail universitaire, puis à la demande du service Patrimoine-Pays d’art et d’histoire. Le travail effectué révèle également, sur la base d’une étude de 127 années de production, que le nom de l’atelier valentinois, fondé en 1875 par Jean-Pierre Thomas, est associé à plus d’un millier d’édifices partout en France et dans le monde.
Ce premier état des lieux met en lumière les collaborations, à toutes les époques, de l’atelier Thomas avec des artistes et des architectes renommés. Répondant à des commandes privées ou institutionnelles, les maîtres-verriers ont conçu des œuvres témoignant à la fois de leur attachement à des formes traditionnelles et de leur ouverture aux avant-gardes. Ils ont contribué au renouveau de « l’art du verre et de la lumière », qui s’est progressivement affirmé en tant que forme artistique autonome.
S’adaptant aux évolutions technologiques, ils l’ont fait dans le respect de savoir-faire séculaires.