Marchés de Valence : la foire d'empoigne

Au 19e siècle, les marchés représentent un véritable enjeu pour les commerçants et les Valentinois.

 Si l’on se fie au rapport rendu par la Commission des marchés, en 1892 la concurrence entre commerçants non sédentaires n’avait rien à envier à celle que se livrent aujourd’hui les grandes surfaces. Le rapporteur fait état de « diverses pétitions »,  des « plaintes des uns, des réclamations des autres », ainsi que d’ « une situation regrettable qui se manifeste entre commerçants parmi lesquels il ne devrait exister que de la bonne harmonie. » Pour tenter de mettre tout le monde d’accord, une nouvelle réglementation voit le jour. Aux « marchands dits des quatre saisons » le nord-est de la place des Clercs. Au milieu, « les femmes revendeuses, les marchands d’oranges et ceux de légumes de Provence ». Aux « vendeuses au panier » la place de la Pierre dont la halle -« qui est dans un état lamentable »- accueillera bouchers, tripiers, marchands de poissons de mer et d’eau douce…

 Créer de nouveaux marchés…

La même commission suggère la création de nouveaux marchés « le périmètre de notre ville prenant journellement de l’extension. Les marchés établis sur un seul point obligent nos ménagères, dont les moments sont comptés, à effectuer un long parcours très préjudiciable à l’accomplissement de leur tâche. »

Elle revient sur le projet maintes fois reporté de construction d’une halle quartier Saint-Jean. « Ce vieux quartier Saint-Jean, qui est très populeux, n’a pour toute ressource et pour ne pas être réduit à une profonde misère, que son petit marché. Doté de sa halle, il verrait en cela l’assurance du maintien de son petit mouvement commercial. »

Le projet a failli se concrétiser 20 ans plus tôt. En 1871, des courriers sont échangés entre un architecte parisien, E. Rondepierre, et la municipalité. La même année, des riverains adressent une pétition au maire dans laquelle ils le « supplient » de construire une halle, « amélioration attendue et ajournée depuis 23 années. » Et cela alors même que cette réalisation leur avait été promise « en échange de leur coopération dans l’acquisition d’un îlot de maisons démoli pour agrandir la place du marché. »

…et une halle place Saint-Jean

Le 8 janvier 1898 enfin, le conseil municipal approuve « l’établissement d’un marché couvert. » La commission des travaux publics met en garde contre « un grand hangar de 12 m de largeur sur 30 m de longueur qui exigerait une toiture dont le faîtage ne serait pas à moins de 8 à 10 m au-dessus du sol. » Elle juge « plus rationnel, élégant et économique d’en établir deux de 5 à 6 m de largeur » et suggère que cette installation soit démontable pour pouvoir la transporter et rétablir dans un autre point de la ville « en cas d’insuccès du marché place Saint-Jean. »

« Comble unique ou double comble », aux architectes de choisir. C’est Eugène Poitoux  avec son projet « Art en sort » qui remportera un concours réservé aux  professionnels domiciliés à Valence et de nationalité française. Le marché couvert sera inauguré en juillet 1899.

Au 19e siècle, des halles sont édifiées place de la Pierre sous la forme d’un bâtiment en forme de temple grec avec piliers doriques. Au 20e siècle, les façades seront comblées, protection contre les courants d’air. Les halles deviendront Bourse du travail puis salle d’exposition.

 

1896

Une nouvelle pétition est adressée au maire de Valence. Elle émane de la « corporation des jardiniers de la ville de Valence » qui proteste contre la décision de la Commission des marchés de les installer place de la Pierre, « espace réduit, dont les accès impraticables sont une cause constante de dangers pour nos concitoyens et pour nous quand, des divers côtés de la ville, nous arrivons presque simultanément avec de lourds véhicules.»

Ces « persévérants travailleurs, enfants du pays », demandent à pouvoir s’installer place des Clercs. « Certes, nous savons bien que la concurrence profite surtout aux consommateurs, et nous nous inclinons. Mais pourquoi ne nous pas donner les moyens de la soutenir en nous réunissant au lieu où sont nos rivaux ? »

Une pétition parmi d’autres. En 1892, les mêmes jardiniers se plaignent de la concurrence des « femmes de la campagne avec leurs paniers de légumes » et des revendeurs, « la plupart étrangers à la localité » qui eux protestent contre la décision municipale de leur interdire la place des Clercs.

Quant aux marchands de beurre et fromage, ils préconisent un turn-over « pour que chaque corporation bénéficie tour à tour du meilleur emplacement. »