Valence bombardée

Le 15 août 1944, Valence est bombardée. Les aviateurs américains visaient le pont en pierre sur le Rhône pour gêner la retraite des Allemands. Mais les bombes détruisent aussi une partie de la ville. Dans son journal*, Alexandre Laurent, directeur de la Caisse d’allocations familiales, énumère : «Parc Jouvet : 8 trous de bombes, entonnoirs de 4 m de diamètre et de 2 m de profondeur. Minoterie Basset-Bouvier brûlée (M. Basset a été tué). Le pont sur le Rhône a été touché aux deux extrémités et au milieu. Partie sud de l’hôpital écrasée, préfecture brûlée, boulevard Vauban et vieux quartiers effondrés, caserne Chareton, rues Bayard, Madier-Montjau, Farnerie, Baudin, faubourg Saint-Jacques. »

 

La situation tragique de l’hôpital

Le 31 août, Valence est officiellement libérée. Le 16 septembre, le nouveau conseil municipal présente un bilan de la situation. « Destruction presque totale de l’hôpital et de l’hospice le 15 août. Les malades sont soignés dans les hôpitaux du Valentin et de Romans. » Un hommage est rendu aux 7 membres du personnel « tombés victimes de leur devoir. » Le service municipal des sinistrés a attribué 211 logements « par voie de réquisition. » 360 sinistrés sont accueillis dans des centres d’hébergement municipaux. L’œuvre municipale des repas économiques distribue  1700 repas par jour aux sinistrés et aux équipes de déblaiement dont le rendement est « réduit, du fait de la pénurie des moyens de transport : une dizaine de tombereaux hippomobiles au maximum est mis à leur disposition pour évacuer des dizaines de milliers de m³ de déblais. » Quant aux besoins en « tuiles, bois, verre…nécessaires à la restauration », ils sont en cours d’évaluation.

 

« Privé de moyens d’existence »

 

Particuliers et entreprises adressent leurs demandes au Commissariat à la reconstruction. L’atelier Crouzet, dont les locaux, rue de l’Ecole Normale, ont été complètement anéantis par l’explosion du 29 août (lire ci-contre) a emménagé rue Rousseau. Son directeur réclame 418m² de vitres, précisant que Crouzet « va être appelé à travailler à nouveau pour les services de l’aéronautique. » Le patron d’un atelier de mécanique, rue Martin Vinay « se trouve complétement privé de ses moyens d’existence. »  Un habitant de l’avenue de Chabeuil, sans gaz aux heures de préparation des repas, voudrait du charbon « pour pouvoir manger aux heures normales et ne pas rentrer en retard au travail. »

Des dons sont faits aux sinistrés. Un délégué communiste au sein du conseil municipal suggère de leur donner « les appartements des miliciens collaborateurs et les locaux précédemment occupés par les « boches ». Pour avoir de l’argent, frappez de fortes amendes les profiteurs du marché noir ! » Tandis qu’un citoyen suggère la création d’un impôt réservé à la « population épargnée. »

 

 

29 août 1944

Après les bombardements du 15 août, Valence subit une autre tragédie.

Le 29 août, les Allemands font exploser dans leur fuite un wagon de nitroglycérine stationné au sud de la gare.

« 13 h 05 : formidable explosion : ébranlement de la maison qui paraît osciller comme un bateau », écrit Alexandre Laurent*. « Gros dégâts dans le quartier de la Cécile, rue Génissieu, rue Martin Vinay : toitures enlevées, maisons rasées, portes et fenêtres arrachées. Il y aurait une vingtaine de morts et 200 blessés qu’on a transportés au Valentin, toujours transformé en hôpital… nouveaux sinistrés, nouveaux malheureux. »

Le lendemain il s’aventure jusqu’aux quartiers sinistrés. « Véritable cataclysme comme après un cyclone ou un tremblement de terre vu au cinéma (…). Dès la rue Berthelot, on dirait qu’il est tombé une pluie de verre pilé. Les fenêtres des écoles, de l’usine Gilibert et Tézier, sont béantes. L’affreux désastre s’accentue rue Génissieu : toitures effondrées, maisons écrasées. Dans un nuage de poussière, les gens s’affairent à récupérer ce qu’ils peuvent sauver (…). Nous arrivons chemin des Baumes où le cataclysme a atteint son comble : maisons littéralement soufflées, un tampon de wagon est fiché dans un mur à 5 m de haut, des wagons tordus, éventrés, continuent de se consumer… »

 

« Derniers jours de l’occupation allemande à Valence. » Etudes drômoises n°64, décembre 2015.